b - L'Art - Chroniques de Malachite -

      Malachite avait repris des études, l’âge adulte installé. Elle avait regardé ce qui se trouvait à proximité de sa maison puis avait élargi ses recherches sur une distance de quelques Kms, pour découvrir deux grandes villes dans ce périmètre choisi. Il s’agissait de Paris et d’une autre capitale, celle de Picardie. La sélection fut vite aboutie.

Elle s’était décidée sur les Arts Plastiques qui pourraient l’amener à beaucoup s’exprimer.

Mais pour Malachite, ces études étaient lourdes, elle était fatiguée. Elle avait dû reprendre des cours sur les années précédentes afin de comprendre de quoi on parlait. Au printemps les choses semblèrent aller mieux. Elle avait sympathisé avec d’autres étudiants dont certains avaient le même âge qu’elle. Elles aussi avaient leurs difficultés, de mémoire cela va sans dire.
Autour d’un café, elles s’échangeaient leur recette performante et enchaînaient sur Jésus, que cette année, on découvrait noir.
Tout au cours de l’année des rencontres étaient organisées entre des artistes et les étudiants en Plastique.
Il y eut une jeune qui exposait sa première œuvre dans un centre culturel voisin. Il s’agissait d’une installation qui remplissait un espace carré entièrement tapissé de rose. Un véritable boudoir que l’on apercevait autrefois dans des lieux très secrets et très chauds.
Malachite n’a jamais su où se trouvait l’Art dans cette couleur douillette qui la ramollissait.

Une autre fois, la rencontre de l’œuvre l’envahit de questions. Comment l’artiste avait-elle fait pour tordre et assembler ces centaines de câbles et autres métaux sur cinq mètres de long et quatre mètres de large. La réponse ne se fit pas attendre. Ces artistes se faisaient aider par plusieurs assistants qui leur montaient leurs œuvres sur de simples dessins ou même de mots. La conception en était l’Art, et l‘assemblage qu’une besogne.Photo-du-57965384-12--a-16.06.jpg

            Souvent Malachite ne comprenait pas grand-chose à ce qu’on appelait l’Art contemporain. Elle tendait le cou afin de mettre de l’air, entre ses nombreux neurones, écarquillait les yeux et dilatait ses oreilles. Quand la soupape était trop pleine, une question fusait. C’était plus fort qu’elle. Elle écoutait la réponse, la bouche entre ouverte. Elle n’avait rien compris. Elle venait d’entendre que si l’artiste présentait une œuvre en disant c’est de l’Art et bien pour l’historien, il s’agissait d’Art. Il fallait l’accepter.

            Puis il y eut cet artiste qui vint présenter son travail. Il louait un atelier dans le zoo d’une grande ville. Une fenêtre donnait sur l’enclos des bêtes fauves. Des lions, des lionnes et autres félins.
Son discours tourna autour de deux sujets. De véritables préoccupations, sembla-t-il à Malachite.
Il commença par parler de parasites. De toutes ces choses, qui s’agrippent sur un corps qui leur est étranger. Son esprit fut transporté aux Antilles où elle avait découvert une liane aussi magnifique qu’assassine. Le figuier grimpant  étouffait son support à mesure qu’il s’élevait. Il grossissait, produisait des fruits de plus en plus pansus et avalait l’arbre à pain sur lequel il avait élu domicile. Ce pique-assiette mélangeait le pain, le bœuf et La Fontaine.
Ces parasites expliquaient l’artiste, s’accrochaient et s’épanouissaient au détriment de leur hôte. Il cita différentes plantes et autres champignons dont Malachite ne retint que le gui. Un porte bonheur qu’elle aimait regarder le premier jour de l’année.
Et puis, il présenta des clichés très quelconques qui dévoilaient un personnage dont la peau était agrémentée d’une sorte de ventouse. Il s’agissait d’une capsule de plastique ronde et transparente, telle une grosse cloque. Il en avait posé une sur un bras, trois sur un dos et souriait en admirant son effet.

Malachite était passionnée par tant de créativité.

Suivi un troupeau d’hybrides qui s’empressa de succéder à ces cloques de plastiques creuses. Ces petits sujets étaient fabriqués avec des figurines chipées dans la malle, d’une chambre d’enfant. Une moitié de mouton raccordait une moitié de cheval ou la moitié d’un coq s’ornait d’un cochon. Chacun pouvait aller droit devant. Mais, aucun ne pouvait avancer puisque que chacun luttait pour aller son chemin et pas le sien. Quoi de plus rigolo qu’un animal sans queue.
Après ce sujet divertissant, la deuxième recherche, fort avancée et fort prometteuse fut annoncée, par une photo digne de La Mouche et de son poil sans Jeff Goldblum. Les photos de bustes se suivaient de face ou de dos. Un poil isolé apparaissait sur la peau ou surmontait un grain de beauté. Le projecteur continuait à tourner et à braver la chauffe de ses cliquetis pour annoncer le nouveau visuel sur lequel les étudiants se penchaient. Un visuel tout aussi nouveau que le poil vu de face, de côté, de loin et de prés. Le discours était autant isolé que le poil parasite. L’assemblée accrochée à ses gestes, le regardait fasciner. Chacun suivait les mouvements de ses lèvres laissant échapper les mots les uns après les autres telle une grappe de raisin authentique qu’on égrène.

En conclusion l’Artiste finit sa prestation ou sa présentation sur le lieu de son travail qui sans être commun ne semblait pas à son goût. Il avait en horreur les animaux. Ils sentaient mauvais, laissaient couler une bave jaune et épaisse. Ils marchaient à quatre pattes. Ces fauves en particulier sur qui ses yeux tombaient tous les jours de l’année.

 - Oui, mais ils ont plein de poils !   s’exclama Malachite.

Un rire général fusa dans la salle excepté du côté de l’estrade. Elle n’avait rien compris à l’œuvre de l’Artiste.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :